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IMPRESSIONS DE RÉSONANCE


À notre époque, la gravure a la vie dure. Bien qu’elle eût été la « mère des arts », on en fait peu 

de cas. Toutefois, plus elle se trouve à l’écart, plus la gravure attire l’attention. Au fil du temps, cette mère des arts a connu de perpétuels changements. Elle se montre plus réactive que quelques-uns 

de ses successeurs puinés. Cependant, elle ne naquit pas avec cette diversité : née sous le soleil clair de Méditerranée, la fine poussière du marbre a adopté les odeurs de toutes les époques.


À l’ère contemporaine, ce bouquet se développe encore. Il s’enrichit des vapeurs de la sérigraphie, 

des presses d’imprimerie ou bien même du procédé d’imprimerie digital, lequel sert de fondement 

à l’actualisation de la gravure par Lola Läufer ; une impression, qui s’inscrit parfaitement dans ses tableaux aux tons mats. Ainsi, pas le moindre souffle du processus de fabrication ne perce-t-il vers nous, les contemplateurs.


Les œuvres semblent discrètement absentes, relevées des efforts de leur genèse et des conditions 

de leur présentation. La force avec laquelle les grecs anciens enfonçaient le burin dans la pierre semble subjuguée, tout simplement dématérialisée. En lieu et place des coups de marteau, une phalange de cartouches chantonne doucement en cadence. Sous ses passages uniformes fleurissent des toiles colorées, sous son roulement se nouent les filets en une danse effrénée. Les cartouches d’encre sont les joueurs sur le terrain de la soie, qu’elles touchent et traversent.


Il s’agit là d’une approche éminemment contemporaine. Celui qui veut créer n’a plus besoin d’attaquer le matériau. Le créateur embraie avec le motif même, puise dans sa collection d’images et génère 

des tempêtes de pixels incessantes. Aussi peu que ces impressions nous révèlent la force d’une main gravant, aussi peu brisent-elles le matériau qui leur fait face. Le marbre s’est fait soie.


Lola Läufer a – pour garder cette métaphore – lâché le burin ancien. En équilibre entre conception 

et conservation, ses créations nous présentent des motifs, qui nous semblent familiers. Ce sont des images éphémères, souvent déformées, brisées et adjointes audacieusement ; de préférence dérivant d’une collection imagière composée de l’art architectural et de figures géométriques. Quoique se nourrissant de la réalité, elles ne se soumettent qu’au libre jeu des lignes et surfaces. Ainsi courent-elles sur des surfaces déformées et comme flottantes, opposés à la tectonique stricte de la présentation et y mènent-elles leur propre vie avec une dynamique impressionnante.


Le fait que nous reconnaissions un trait unique dans la diversité des estampes exposées plaide 

en faveur de l’autonomie artistique de cette œuvre. Et nous pensons constamment y identifier 

une même signature. Nous pouvons seulement deviner qu’elle est due autant à l’artiste elle-même qu’à la configuration de la machine exécutrice. Dans certains imprimés, l’envie de décryptage paraît particulièrement intense. Comme s’il fallait préserver le visible du risque de tomber dans l’oubli 

et l’arracher à l’obscurité menaçante, au-delà des impondérabilités liées au procédé d’imprimerie, 

en le figeant dans le doux flux du plexiglas, où il luit par-devers nous comme des traces d’encre 

dans la neige.


Florian Adler